Séance de banc - Kay

Elle est dans l’atrium du pavillon De Koninck depuis la fin de son cours. Près d’une colonne, près de la porte qui pointe vers la bibliothèque. Les néons l’aveuglent presque.

Elle l’attend depuis longtemps. Trop longtemps. Quatre heures quarante-trois. Il a presque une heure et demie de retard. Il ne l’a même pas appelée.

Elle attend. Elle a sorti ses livres d’économie et ses notes de marketing. Elle essaie de se concentrer sur les lettres, les mots, les chiffres. Ouf. Elle n’y arrive pas. Elle a la tête ailleurs. Le cours a été long aujourd’hui, à n’en plus finir. Elle est lasse.

Elle s’étire, regarde un peu partout. Elle s’est mise exprès face au couloir de façon à le voir arriver. Mais il n’est pas là.

Elle appuie sa tête dans ses paumes, sort un surligneur, espère que la couleur fluo lui réveillera un peu les yeux. Rien à faire. Elle passe, et repasse. Elle n’a pas du tout envie de savoir comment mettre un produit en marché, ou comment cibler une clientèle.

Ce dont elle aurait besoin maintenant, c’est un bon chocolat chaud et une paire de pantoufles. Ses bottes lui font mal aux pieds. Elle se regarde dans la vitre de la rampe, inspecte son apparence, replace son cerceau.

Elle a enlevé ses lunettes. Elle sent la migraine pointer le bout de son nez. Elle étire le cou, à gauche, à droite. Pose les coudes sur la table. Vraiment. Rien à faire. Elle n’a pas le cœur à étudier aujourd’hui.

Elle frissonne, se lève. La première porte est ouverte. Exaspérée, elle contourne sa table pour la refermer. Soupire. Se rassoit. Pas le choix, le compte-rendu de lecture doit être remis demain après-midi.

Elle entend un rire masculin derrière elle. Son cœur fait un bond dans sa poitrine. Elle se retourne, lentement, s’applique à modeler ses traits avec un trait d’indifférence. Les deux étudiants entrent, avancent. Ce n’est pas lui.

Elle se replonge dans son monde. Une minute, deux, trois. Tape du pied, impatiente. Elle se dit qu’elle n’aurait peut-être pas dû sortir hier soir. Peut-être qu’elle aurait alors fini ce fichu travail.

La porte est encore ouverte. Bon, tant pis. Elle gèlera.

Elle n’y comprend rien à rien, à ce machin. Les trois garçons à sa gauche la déconcentrent. Ils parlent depuis qu’elle est arrivée. Elle n’arrive pas à saisir de quoi il s’agit. Ils regardent tous le même portable. Ils n’ont pas l’air d’accord.

Non décidément, il fait froid! Elle passe son manteau sur ses épaules et se force à lire. Elle pourrait rentrer chez elle. Le bus passe bientôt. Si elle range ses livres maintenant, elle pourra sûrement l’attraper.

Non. Elle ne peut pas. Elle doit finir son chapitre. De toute manière, elle ne pourra pas travailler guère plus à la maison. Sa petite sœur est un monstre. Et puis, oui, d’accord, elle espère toujours qu’il viendra.

Bon, assez. Elle s’en va. Déçue, irritée, fatiguée. Tant pis.