Mon cher...moi,
Voici une réponse que, peut-être, tu n'espérais plus. Une telle lettre de ta part, chargée d'autant de mépris et de révolte, quoique mal placés, méritait une réponse exemplaire. Voici donc la vérité, ou plutôt TES vérités.
Au fait, contre qui te plaignais-tu? Contre le Narrateur? Me désigner comme tel serait un honneur... Malheureusement pour moi, et surtout pour toi, la vie n'est pas une histoire mélodramatique orchestré par ma volonté. Tu n'es pas un personnage/victime soigneusement profilé, pas plus que je ne suis l'auteur absolu de ton destin. Au contraire, c'est moi qui suis ta marionnette. Voila pour ta première vérité.
Te plaignais-tu contre Dieu lui-même, alors? Je ne suis surtout pas cela, et ta seule et véritable insulte consistait à me désigner par ce terme réducteur. Ce n'est qu'un concept créé de toute pièce par tes semblables, un idéal humain presque caricatural, une idéologie conçue dans le seul but d'assimiler de faux espoirs à des âmes ayant besoin d'être encadrées, rassurées, flattées, disciplinées. Me catégoriser ainsi relève d'une flagrante ignorance. Car je ne suis ni Bien, ni Mal. Je suis, tout simplement. Mieux encore : je suis Toi. Ne sous-estime pas ton potentiel ni ta valeur. Voila pour ta deuxième vérité.
Contre qui te bats-tu, alors? Je vais te le dire. Tu te défends contre toi-même, oui, toi qui, pour m'avoir désigné par l'«Être Suprême», dois te sentir odieusement manipulé et diminué. Mon cher Sébastien...cesse de faire le Don Quichotte et de te battre contre le vent. Si tu ne laisses pas tomber ces faux paradigmes, tu n'auras aucune emprise sur ta vie, encore moins sur cette vaine frustration qui t'anime. Ne vois-tu pas que la seule et unique personne qui tire les ficelles est toi, et toi-même? Voilà pour ta deuxième vérité.
Pourquoi te sentir ainsi épié, alors? Aurais-tu peur que des yeux indiscrets ne fouillent les méandres de ton esprit? Tu sembles craindre le jugement, une peur qui t'empêche d'avancer, d'évoluer, de te conscientiser. Ton constant besoin de l'appui des autres te paralyse. Alors délaisse ces enfantillages, et fais-toi confiance. Lorsque tu auras compris ceci, tu n'éprouveras plus cette crainte viscérale qu'une entité supérieure t'observe du haut de sa tour d'ivoire. Tu veux mieux que d'éprouver, toi aussi, ce syndrome de Peter Pan qui fait baisser la tête et rosir les joues aux éternels enfants en manque d'attention. Oublie les autres, lève la tête, et deviens homme. Voila pour ta quatrième vérité.
Et puis, dis-moi... d'où te vient cette vision du monde aussi pessimiste? Te sentir ainsi lésé personnellement, agressé et violé dans ta vie privée, par une idéologie aussi fausse et chimérique Dieux, de surcroît, me paraît exagéré. Serais-tu aussi désillusionné que tes condisciples, aussi mou, aseptisé, impersonnel et si commodément repu de tes petits malheurs quotidiens? Oui, tu as bien lu. Bienvenue à aujourd'hui. Vous, les humains, fabriquez si complaisamment votre propre prison, et avec quelle assurance et oh! combien de volonté, mais refusez obstinément de comprendre que vous pouvez aussi aisément créer votre propre liberté et libération! Lorsque tu auras compris ceci, brise tes barreaux psychiques, fais tomber les moellons de pierre qui tapissent ton esprit, et laisse ta conscience s'envoler et prendre la place qui lui est due en ce monde qui ne connaît pas de limite. Voilà pour ta cinquième vérité.
Je pourrais délibérer encore longtemps, mais tu n'en éprouves plus le désir, ton précieux ego non plus, d'ailleurs. Avant de t'endormir, ce soir, repense à tout ceci. Ces frustrations enfantines qui t'aveuglent, laisse-les glisser sur toi comme l'eau glisse sur le plumage imperméable des volatiles. Oublie ces phrases pré mâchouillées que la société tente de te faire ingurgiter avec un verre d'avale-ça-et-tais-toi. Oublie ces idées préconçues qui t'amènent à te complaire aussi dubitativement dans ta propre ignorance. Sois plus fort que le courant de la société, et, par pitié, vis ta vie sans t'arrêter à des concepts aussi bêtes qui t'ont amenés à croire que je sois l'auteur de ta propre vie... Mais n'oublie pas ceci : tu t'imposes ta propre vision du monde, et tu es l'auteur de tes propres drames.
Tes vérités, les vois-tu? Moi, je les vois. Car contrairement à toi, je n'ai pas d'yeux.
Ton Dieu, ton idéal, ta conscience, toi.