Un grand verre de lait bien froid se paie ma tete a la va vite. Tout comme ma cuillere a cafe d'ailleurs. Et le carreau de ceramique, la-bas.
Non, pas celui-la. A droite.
Voila.
Et puis bon. Qui d'autre?
Il y a ma montre, mes vieilles Ray-ban, le coupe-ongle. Le grille-pain et le pot de Nutella.
Tous, tous, tous! Petits, gros, filliformes ou arrondis. Ils arrivent quand meme tous a me renvoyer la meme image. Un oeil qui pendouille, un nez gros comme une tomate, une bouche longue de deux kilometres, une etrange proeminence sur la tempe gauche. Peu m'importe mon allure, je sais quand meme que c'est moi.
Et de toute facon, je prefere voir mon visage tout deforme - parce qu'au moins je peux rigoler un peu avec tous ces generateurs de grimaces - que de voir mon reflet dans un MIRROIR. L'h-o-r-r-e-u-r.
Pas que je sois laid, au contraire. Pardonnez ma pretention, mais je suis assez bel homme. Quarante-deux ans et pas une ride, la chevelure encore fournie, la machoire bien decoupee, les epaules droites... Pas d'histoires de pattes d'oie et de babines de Saint-Bernard avec moi, ca non. Je suis pas mal du tout.
Mais ce matin, je n'ai aucune envie de me retrouver en tete-a-tete avec moi-meme. Parce que si meme le plus innocent des verres de lait arrive a se payer ma tete, je n'ose meme pas songer a ce que ca pourrait etre avec un mirroir...
Et puis je ne pourrais me regarder. Ma propre image me brulerait la retine. Voir mon reflet me fixer avec son petut air niais, me sentir crouler devant lui... Trop peu pour moi.
Mais ce matin, mon foutu reflet semble me coller a la peau. J'ai beau contourner, me faufiler, m'esquiver, me sauver, rien a faire. Il y a toujours une de ces babioles reluisantes pour me lancer en pleine face des petits bouts de moi que je deteste voir. Surtout ce matin.
Parce que ce matin, dans cet appartement cheap de la rue de la Chapelle, je me suis leve en ayant trompe Sophie.