Plume à plume
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 Contre-offensive - Kay

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Kay
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MessageSujet: Contre-offensive - Kay   Contre-offensive - Kay Icon_minitimeLun 12 Fév 2007 - 22:21

Une vérité qui s'essouffle


Combien il est facile de s’indigner. De se déresponsabiliser. De pointer les autres. De regarder ailleurs. De jouer la carte de l’innocence. Combien il est facile d’être vous. On n’a qu’à pelleter des nuages, puis hop! le tour est joué. Sauf que, il faut bien se l’admettre, ça ne s’arrête pas là. La vie ne s’arrête pas là. Et le monde ne s’arrête très certainement pas de tourner devant vos petites jérémiades de néocrétin. Vivez un peu!

Vous ressortez de mon bureau dupé comme une fillette. Vous fulminez en attendant l’ascenseur. Vous grognez en vous rendant à votre automobile. Et moi, dans mon bureau, je jubile, je l’admets. J’aime vous tromper car vous êtes si jobard. Trop pour votre bien, d’ailleurs. Si idéaliste, si impuissant. Oh, vous êtes si dupe, mon ami! Je vous escroque coup après coup. Je ne m’en cache pas.

Oh, traitez-moi de tous les noms. Je puis vous assurer que je les aurai tous déjà entendus ailleurs, autrement. Je les connais tous. Il y a en eu d’autres avant vous, il y en aura d’autres après vous. Après, lorsque vous vous essoufflerez trop. Si, maintenant, vous avez l’énergie, mais moi par contre, j’ai l’expérience. Ce n’est pas une insulte, c’est un constat. Avoir voulu insulter, j’aurais évidemment dit que j’avais la sagesse, non l’expérience.

Couvrez-moi de votre hargne, octroyez-moi le blâme, détestez-moi. Je vous accueillerai tout de même gracieusement dans mon bureau. Je vous verserai le café. Il m’en fera même plaisir. Vous me parlerez de vos problèmes. Vos problèmes que j’ai créés et que je continuerai de créer même que je me serai éteint. Je vous écouterai. Je serai la solution, la réponse. Je serai votre thérapeute.

Vous me parlerez de vérité à droite. Me traiterez de menteur à gauche. Renverserez la tasse à treize heures. Me pousserez contre le mur vers quinze heures. Vous bout-à-boutirez des mots, des discours, des sons empruntés ça et là, les prendrez sans contexte, les prendrez à votre gré, comme ça vous chantera cet après-midi-là. Sachez que la vérité, c’est que vous les violez de leur intégrité, ces mots-là. Vous utilisez mal ce qui vous est offert. Vous vous en remettez aux petitesses d’esprit.

Je vous écouterai cancaner sur la vérité, la vraie, cette chose, selon vous, à laquelle nous, bureaucrates, ne pourrons jamais accéder. La vérité. La quête de savoir, de vérité absolue. La quête de justice. La liberté, l’égalité. Les campagnes anti-néolibéralisme. Les manifestations, les squats, les boycotts. La violence, la paix. Je vous dirai que je les connais tous. Vous vous esclafferez vilainement.

Narquois, vous me plaindrez. Mais je ne suis pas une victime. Non, détrompez-vous. Pas une victime de vous, du moins. Vous m’accuserez maintenant de suffisance. Encore une fois, vous n’arrivez pas à comprendre, à voir. Si je n’ai rien, si je ne suis rien à vos yeux, il faut tout de même m’accorder un certain vécu. Qu’ai-je vécu, me direz-vous, bien campé dans mon bureau, sur mon coussin de satin?

Eh bien, la vérité… La vérité, oui. Et la vérité, c’est que je suis las. La vérité, peuh! quel idéal! Cacachiasse, vous dis-je. Pour changer les choses, il faut avoir un but, certes, mais surtout avoir des moyens pour s’y maintenir. Renversez le système que vous détestez tant. Allez-y, je vous y encourage. Dans deux moins, six ou un an, votre œuvre s’effondrera et tout redeviendra comme avant, comme maintenant.

Vous ne voyez que la pointe de l’iceberg. Changer le monde, c’est bien, mais il faut aussi savoir quoi faire ensuite. Tout laisser en plan? Croire que tout va s’arranger comme ça, juste parce que vous avez tout mis sans dessus-dessous? Certes, ce « système » est géré par une minorité, minorité qui, oui, m’inclut, mais cette manière de faire, de penser et de vivre s’est incrustée au fil des ans dans la mentalité populaire pour y rester.

Mais la vérité, c’est que vous ne comprenez pas. Non, la vérité, c’est que vous ne voulez pas comprendre. Vous voulez me blâmez pour toutes les misères du monde parce que cela réconforte votre cœur. Vous aimez me pointer parce que cela vous rassure. Cela vous rassure parce que le Mal, de cette façon, est limité. Le mal est exclusif. Réservé aux gens vils comme moi.

Ce qui vous fait peur, au fond, c’est de devenir comme moi. Ce n’est pas une question d’égalité, de droit, de liberté. Enfin, si, mais c’est tout à fait accessoire. Ce qui vous préoccupe fondamentalement, c’est ce que vous pourriez devenir. Vous n’inventeriez pas les règles, vous vous y conformeriez. Vous joueriez le jeu, vous appuieriez sur la gâchette. Vous craignez ce qui se cache au fond de votre cœur. Un moi qui vous ressemble, un moi avec plusieurs années en plus et quelques cheveux en moins.

Votre égoïsme vous embrume les sens et la logique. Car oui, c’est vous, l’égoïste, dans tout ça. Vous. Vous qui avez peur. Vous vous plaisez à partir en campagne contre moi, contre ce que je représente, parce que c’est facile. Facile de regarder ailleurs, facile de condamner les autres, surtout un autre. Impuissant devant ce monde horripilant, vous vous rabattez et vous acharnez sur un de ses représentants. Vous vous acharnez jusqu’à en perdre haleine. Vous œuvrez sans arrêter, vous luttez sans souffler, vous courrez sans regarder en arrière…

Parce qu’en fait, si vous pouviez vous arrêter un peu et prendre le temps de vous l’avouer, la vérité, c’est que vous ne supportez tout simplement pas que la populace puisse se complaire dans ce magma d’incongruités et d’inégalités. Vous ne pouvez pas supporter que le Mal soit diffus, que le Mal soit partout. Comment, en effet, libérer un peuple qui se complait dans une double ignorance? Vous ne supportez pas que la faute ne soit pas ponctuelle. Vous ne voulez pas admettre que les gens, pour la plupart, sont heureux dans ce système dysfonctionnel et débalancé. Vous ne voulez pas admettre que leur égoïsme passe avant tout, avant même ce monde meilleur, et que c’est grâce à cet égoïsme, que c’est parce qu’il le comble, qu’ils sont heureux…

Tu vis dans un monde de noir et de blanc, mon pauvre. Parce que ce qui est vrai, vraiment vrai, c’est que le monde est gris! Gris anthracite, gris charbon, gris acier. Gris d’erreurs, gris de chagrin, gris de partout. Les gens, la société, ça ne se coupe pas au couteau. Les contours sont flous et souvent, ça s’émiette. Tu discourras armé de ta morale, de ton éthique, de ta conscience sociale, environnementale, mondiale, politique, de tes valeurs que veux-tu, de tes principes... Tu me reprocheras mon cynisme, mon manque de foi.

Et peut-être que tu auras tort, peut-être pas.


Un quidam déchu qui a vu
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KBlack
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KBlack


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MessageSujet: Re: Contre-offensive - Kay   Contre-offensive - Kay Icon_minitimeMar 13 Fév 2007 - 17:09

DANS VOS DENTS, HIPPIES!

Sérieusement, ce texte là est plein de... vérité? Non seulement du mot, mais du concept. De quoi vraiment refroidir les pseudo-Che de ce monde...

L'opposition vigueur/expérience est vieille comme le monde, je suppose. mais, sans être moi-même un révolutionnaire ardent, je pourrais répondre au bureaucrate que tout ce que la vérité lui a fait, c'est de le ramollir. On peut courir aux armes, oui, et on peut refuser de le faire, aussi. Mais selon moi, la différence entre la simple expérience et la sagesse, c'est de se rendre compte qu'on ne doit pas nécessairement s'avouer vaincu par quelque chose qui nous dépasse... si l'on ne peut pas révolutionner, on peut au moins, faire évoluer... ou encore se rabattre sur les seules parcelles de ce monde auxquelles on tient à coeur, aux seules causes qui nous touchent. C'est comme ça qu'on se change soi-même, qu'on devient à l'aise devant ce qui nous entoure tout en restant soi-même, et, avec un peu de volonté, il est possible de changer le reste, petit à petit, je suppose.

Reste à voir si, justement, la vision de celui qui veut changer les choses vaut mieux que celle de celui qui s'assied sur le système.
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MessageSujet: Re: Contre-offensive - Kay   Contre-offensive - Kay Icon_minitimeDim 18 Fév 2007 - 16:55

Bravissimo, petite Karine.
Tout d'abord, hourra pour votre onze douzième de valeur sure Smile Vous êtes magnifiques.

Pour en revenir à ton texte, tu m'impressionneras toujours. Ton style est un reflet efficace de ton propos. Les paragraphes courts, les phrases choc... Il est facile de ressentir ce que tu exprimes. Bravo bravo bravo.



Te compterais-tu parmi ceux et celles qui ont un peu peur de s'avouer que ce "moi" se cache en eux?
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Kay
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MessageSujet: Re: Contre-offensive - Kay   Contre-offensive - Kay Icon_minitimeMer 21 Fév 2007 - 0:39

Ben j'veux dire, oui, c'est sûr, là. Avoir peur de grandir, avoir peur du futur, avoir peur de se conformer, avoir peur de se faire embarquer dans la game... Ça me fout les jetons! Perdre mon intégrité, traîner mes valeurs, mes ambitons, mes idéeaux dans la bouette pour les oublier ensuite... ouh là! Oui, j'ai peur, je l'avoue. Et surtout, peur de ramollir, peur de l'impuissance, du pas savoir par où commencer, peur de la petitesse... Moi je voudrais ne jamais devenir adulte. Les responsabilités, ça fait peur aussi! Dis, comme collégiens cools et branchés, on n'est pas bien, non?
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MessageSujet: Re: Contre-offensive - Kay   Contre-offensive - Kay Icon_minitime

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